Que vaut vraiment le Canadien 2014-2015 ?

Le gardien Carey Price, bien remis de la blessure au genou qui l’avait privé de la finale de la Conférence Est, est l’élément clef d’un Canadien de Montréal qui mène la ligue (image Canadiens.com).
Montréal en tête de la NHL (à l’heure où nous écrivions ces lignes, le Canadien partageait le premier rang overall avec les Canucks et les Ducks) après plus d’un quart de la saison, c’est une situation que peu de pronostiqueurs avaient annoncé avant le début des hostilités. Sans toujours se montrer étincelante, l’équipe québécoise réalise l’un de ses meilleurs débuts de saison depuis bien longtemps. Mais lorsqu’on se penche sur les chiffres, on ne peut que s’interroger, s’agit-il d’une simple embellie, ou de l’annonce que la fenêtre de tir de l’équipe pour lutter, année après année, pour la Stanley Cup, est bel et bien en train de s’ouvrir? Tentative de réponse.
Les raisons de douter
Retrouver le Canadien parmi les 4-5 meilleures équipes de la Conférence Est n’est pas une véritable surprise. Après tout, l’équipe de Michel Therrien a terminé les deux dernières saisons 2e, puis 4e de sa conférence. Mais mener la ligue est une autre affaire, surtout après 24 matchs. Ce leadership est toutefois à relativiser. D’abord parce que la comparaison est difficile avec la Conférence Ouest, plus dense. Il est plus facile d’enchaîner les victoires face à une opposition au niveau hétéroclite, à l’Est, que face à la collection de grosses équipes qui peuplent l’autre conférence. Mais aussi parce que le début de saison annonce une redistribution des cartes à l’Est. Pittsburgh, d’abord, a repris ses bonnes habitudes, et semble parti, sur sa dynamique, pour rapidement reprendre le leadership de la conférence. A Tampa, déjà en grosse progression l’an dernier, les hommes de John Cooper s’affirment comme un concurrent de poids, dans la foulée d’une attaque explosive, la meilleure de la ligue, juste devant celle des Penguins. Et ce même si les Bolts ont été privés longtemps de leur meilleur arrière, Victor Hedman. A l’inverse, les Bruins ont connu un démarrage moins brillant qu’espéré, pénalisés notamment par les blessures de David Krejci et Zdeno Chara. Mais Boston reste à quelques longueurs du Canadien. Enfin, on se méfiera aussi des jeunes Islanders, transformés par les arrivés de Boychuk et Leddy en défense, et celle de Halak dans les buts, et aussi des Wings nouvelle génération, dont le jeu offensif collectif est remarquable. Montréal a d’ailleurs parfois souffert face aux grosses équipes, comme les Penguins (0-4), ou le Lightning (1-7), autant de matchs où les Québécois ont été inexistants.

Face à Stamkos, le 13 octobre, Nathan Beaulieu et le Canadien avaient explosé (1-7) (image Canadiens.com).
Si l’on se recentre sur ce que produit le Canadien lui-même, quelques signaux d’alerte doivent être pris en considération. D’abord, l’attaque montréalaise est moyenne, inférieure même à sa production de l’an dernier (2,42 buts par match, 23e de la ligue, contre 2,55 l’an dernier). La faute notamment à une attaque massive très insuffisante (24e de la ligue, 13,6% d’efficacité). Individuellement, tout n’est pas rose non plus. Tom Gilbert n’est pas, pour le moment, le défenseur fiable que l’on pouvait espérer. PK Subban manque de régularité, comme Alexei Emelin, et les jeunes Galchenyuk et Gallagher connaissent des hauts et des bas. Même chose pour David Desharnais, pas inutile, mais offensivement à peine meilleur que lors de son médiocre début de saison dernière.
Enfin, les stats de possession ne sont pas à l’avantage des hommes de Michel Therrien, plutôt dans la deuxième partie de la ligue pour la plupart des classements. De quoi faire craindre aux stats addicts que le succès actuel de la franchise ne soit pas durable. Attention quand même, tous ces symptômes étaient présents l’an dernier. Ce qui n’avait pas empêché le Canadien de terminer dans le premier tiers du classement général, qui compte tout de même plus que celui du Corsi, n’en déplaise aux fans de statistiques.
Les raisons d’y croire
Car ces chiffres traduisent en fait assez bien le profil que présente Montréal depuis le début de saison, celui d’une équipe solide, capable de se projeter très vite vers la zone adverse, profitant des déséquilibres consentis par l’adversaire pour venir menacer Carey Price. Si l’on devait comparer avec le football, on pourrait décrire le Canadien comme une équipe de contre-attaque. Rapide, et adroite, l’escouade montréalaise compte sur plusieurs arrières habiles pour relancer le jeu, à commencer évidemment par le duo PK Subban-Andrei Markov. L’addition de Sergei Gonchar, échangé contre Travis Moen, rajoute un élément supplémentaire capable de faire cette première passe qui impulse le rythme – même si son arrivée se fait au détriment du prometteur Nathan Beaulieu, lui aussi très performant dans ce domaine.

Comme sa défense, PK Subban n’est pas à l’abri d’un accident ponctuel. Mais son comportement défensif reste solide (image Le Devoir.com).
Avec le Canadien, tout commence donc par l’aspect défensif, même si ses statistiques ne sont pas étincelantes (12e défense de la ligue, 2,5 buts encaissés par match). Mais, comme nous l’évoquions plus tôt, Montréal a subi quelques sévères déculottées face aux Penguins, et au Lightning, mais aussi face aux Blackhawks (0-5), aux Flames (2-6) ou aux Rangers (0-5). De quoi encaisser près de la moitié des buts concédés cette saison (27 sur 59). Un match sur cinq, en gros, le Canadien se troue dans les grandes largeurs. Mais sur les quatre autres matchs sur cinq, Montréal affiche une très belle moyenne (1,68 buts par matchs seulement). Mieux vaut sans doute exploser en vol quelques fois par mois, et se montrer solide dans la grosse majorité des matchs que de concéder régulièrement plus de deux buts par match.
Cet hermétisme – relatif – doit beaucoup à l’organisation générale de l’équipe, et au plan de match de Michel Therrien, l’entraîneur montréalais, convaincu que le succès du CH passera par la solidité défensive. Mais Montréal doit aussi énormément à son dernier rempart, Carey Price, qui confirme match après match faire partie des tout meilleurs joueurs de la ligue à son poste… et pas seulement. Elliotte Friedman, le toujours très pertinent journaliste de Sportsnet, demandait ainsi à un scout, en début de saison, ce qui faisait la force des Montréalai. « Tu veux dire, à part Carey Price? », lui répondit l’observateur, soulignant l’évidence: Price est le MVP du Canadien, et la principale raison de ce début de saison convaincant.

Jiri Sekac a mis un peu de temps à faire sa place dans l’alignement du Canadien. Mais sa présence rend le troisième trio du CH beaucoup plus dangereux (image Canada.com).
Mais il n’est pas la seule. Ce même scout, toujours interrogé par Friedman, expliquait également que Montréal forçait ses adversaires à jouer sur un rythme élevé, qui ne convient pas à une majorité d’équipes. Lorsque ses adversaires sont capables de suivre ce rythme, comme ce fut le cas à Tampa, à Madison Square Garden face aux Rangers ou devant Calgary, le Canadien est en danger. Mais beaucoup d’équipe ont du mal à rivaliser dans ces conditions. Car le Tricolore compte sur une équipe très rapide en attaque, et plus seulement sur deux lignes. Depuis le départ de René Bourque, dont le séjour montréalais aura été un échec cuisant, Michel Therrien fait pleinement confiance à Jiri Sekac. Et c’est une excellente chose. Le jeune Tchèque, arrivé cet été de la KHL, est un élément plein de promesses, puissant, adroit, et très rapide. De quoi composer, avec Lars Eller, une troisième ligne capable de proposer une grosse qualité de patinage aux adversaires du CH. Et comme la quatrième peut compter sur un Dale Weise très rapide, et, bientôt, sur Michael Bournival, la vitesse des attaquants du Canadien fait peser une menace permanente sur ses adversaires.

Manny Mahotra, arrivé cet été, domine la NHL pour les mises au jeu. Et dans son sillage, tous les centres du CH brillent dans l’exercice (image Canadiens.com).
Montréal a également progressé dans un domaine clef, où il péchait depuis longtemps, celui des mises au jeu. Un progrès qui doit beaucoup à l’arrivée dans l’effectif de Manny Malhotra, spécialiste de l’exercice, qui domine la ligue parmi les joueurs qui prennent régulièrement des mises au jeu (63,2% de mises au jeu gagnées). Dans sa foulée, tous les centres de la franchise ont nettement amélioré leur rendement. Seul Tomas Plekanec, lui aussi en progrès, ne dépasse pas les 50% de mises au jeu remportées (49,5%). David Desharnais est lui passé de 50,8 à 54,8% (18e dans la ligue). Quant à Lars Eller, il est aujourd’hui le sixième meilleur de la ligue dans cet exercice (57,1%, contre 53,2% l’an dernier). De quoi donner pas mal de sécurité défensive au Canadien.
Offensivement, enfin, le Canadien ne marque pas énormément. Mais il a montré jusqu’à présent un sacré sens du timing. Capables de remontées spectaculaires, les joueurs montréalais sont la deuxième équipe de la ligue la plus percutante lors du troisième tiers, avec 29 buts en 24 matchs. De quoi donner beaucoup de confiance au groupe, même lorsqu’il est mené.
Ce qu’il faut en conclure
Même si l’arrivée de Sergei Gonchar et celle de Bryan Allen ont fait drastiquement remonter la moyenne d’âge du Canadien, il ne faut pas se tromper. Montréal est une équipe jeune, en constante progression depuis trois saisons. Son profil atypique ne fait pas l’unanimité parmi les amateurs de statistiques avancées, mais tout ne se résume pas en statistiques, ni la virtuosité d’un gardien de but, ni la confiance dégagée par un groupe porté par une dynamique victorieuse. Il est sans doute encore tôt pour faire de Montréal l’une des équipes d’élite de la ligue, au même titre que les Penguins, les Blackhawks, les Kings, les Ducks ou les Blues. Mais le Canadien est capable de rivaliser avec ces équipes, comme il l’a prouvé face à Saint Louis. Aujourd’hui, la franchise québécoise se situe sans doute dans un deuxième peloton, moins dominant que le premier, mais où l’on retrouve des formations comme Tampa Bay, Vancouver ou Boston. Pour les promesses de 25e Coupe Stanley, il faudra encore attendre. Mais Montréal va clairement dans la bonne direction. Le Canadien a les moyens d’atteindre les playoffs, sans trop se faire peur. Et sans doute pas pour y faire de la figuration.
A reblogué ceci sur Mon site officiel / My official websiteet a ajouté:
Go Habs Go !!!!!