Subban, un sourire qui s’efface
Mercredi, Marc Bergevin, le DG du Canadien, a échangé son défenseur vedette. PK Subban a rejoint Nashville, et le grand Shea Weber a fait le chemin inverse pour devenir, de fait, l’arrière numéro 1 du CH. Weber est un fantastique défenseur, et si son contrat et son âge posent question, si l’on révisera, avec le recul, les implications et les mérites de cet échange, il mérite un accueil à sa hauteur à Montréal.
Un accueil qui ne sera pas, c’est une certitude, à la hauteur de la déception provoquée par le départ de Subban. En sept ans sous le maillot tricolore, le gamin de Toronto a offert plus d’émotions aux partisans du Canadien qu’aucun autre joueur depuis Patrick Roy. Bien sûr, Carey Price est l’emblême et la référence de l’équipe montréalaise, celui qui peut faire passer cette équipe dans l’aristocratie de la ligue, celui dont l’absence suffit à renvoyer la franchise dans les candidats à la loterie du repêchage. Mais PK Subban en était le sourire. Un sourire contagieux, comme greffé sur son visage depuis sa première rencontre avec les médias montréalais, un jour de 2007, lors de son repêchage. Le gamin d’alors avait clamé son envie de démarrer la saison suivante avec le grand club. Le rêve prit un peu plus de temps que prévu à se concrétiser. Trois ans avant de rejoindre le grand club et de prendre part à l’épopée 2010 du Canadien jusqu’en finale de la Conférence Est, dans la foulée de Jaroslav Halak.
On a alors découvert un jeune homme enthousiaste, volubile, facétieux. Souvent en décalage dans une ligue où le moule n’a guère changé depuis des décennies, et où l’on tolère d’un œil amusé le discours d’un autre âge, xénophobe à souhait, d’un Don Cherry. Où l’on continue de répandre avec constance les clichés sur les joueurs européens, où les Québécois demeurent regardés différemment de leurs compatriotes anglophones, où les quelques mots de français prononcés par le DG du Canadien lors de l’annonce du choix de l’équipe à la Draft sont immanquablement accueillis par des sifflets. Sans que personne ne s’en offusque.
Subban n’est pas un pionnier de la communauté noire, qui a déjà fait sa (petite place) dans l’univers hockey. Il est un pionnier dans son approche, extravertie, joyeuse, proche de celle d’un footballeur américain ou d’un basketteur. Et comme tous les pionniers, il a souvent été reçu avec méfiance et incompréhension. Ce qui ne l’empêchait pas, sur la glace, de s’imposer comme un joueur de premier plan. Comme lors de sa série face aux Bruins en 2014, où Subban livra sans doute quelques unes des performances individuelles les plus dominantes pour un défenseur NHL de ces dernières années. Comme lorsqu’il obtint, un an plus tôt, le trophée Norris de meilleur défenseur de la ligue.
Peut-être sa personnalité haute en couleur a-t-elle brusqué ses partenaires, comme on l’entend avec insistance depuis quelques saisons. PK en faisait trop, dans le vestiaire et hors de la glace, disent certains. Trop préoccupé par ses fringues, trop centré sur sa marque, pas assez ceci, trop cela. On a même lu ces derniers jours que certains se seraient offusqués de sa donation record à l’hôpital montréalais l’automne dernier (10M$). Quelle audace, c’est vrai ! Mais l’on n’aura jamais le fin mot de l’histoire. Car Bergevin, comme les coéquipiers de Subban, se sont livrés à un absurde exercice de langue de bois. Non, Montréal ne s’est pas défait de son défenseur all star parce qu’il posait un problème dans le vestiaire, parce que son exubérance avait fini par lasser des coéquipiers moins talentueux que lui. Mais parce que c’était l’occasion de mettre la main sur Weber, plus vieux de quatre ans, d’un niveau proche, et signé jusqu’à…2026. Encore une fois, les convenances, l’hypocrisie. Est-ce si compliqué, à défaut de révéler ses arcanes et de clairement assumer l’analyse que Subban était un problème, de dire que le vestiaire montréalais avait besoin d’un changement de dynamique après une saison catastrophique? D’admettre que Pacioretty, le capitaine, avait sans doute besoin d’un soutien dans sa tâche et que le très respecté Weber pouvait être un élément clef? Au lieu de cela, Bergevin a laissé entendre que Weber serait supérieur à Subban, créant un niveau d’attente supérieur encore, une pression malsaine sur l’ancien des Preds. A trop vouloir verrouiller sa com, on finit par s’inventer de nouveaux problèmes.
Ce qui est sûr, c’est que Subban, lui, continuera de jouer comme l’un des défenseurs les plus excitants de la ligue, à Nashville. Avec Peter Laviolettte, un coach qui ne le bridera pas, le pur-sang PK va certainement passer un palier de plus, libéré de l’approche dépassée de Michel Therrien. Et l’on regardera les matchs de Montréal d’un autre œil, sans le numéro 76. Subban était avant tout un grand joueur et un énorme compétiteur. Mais il incarnait aussi l’inattendu, le spectacle, la joie de jouer. On ne regarde pas le sport seulement pour les victoires, mais aussi pour l’émotion qu’il procure. PK Subban était une machine à émotions. C’est une drôle de leçon que de signifier que tout cela est de trop.
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